Pascale Piotaix,
directrice artistique
de C+ Cléo

D'où vient Cléo ?
Alain Guyot, le fondateur de Video System, avait demandé au designer Valdu de concevoir un personnage qui puisse devenir le pendant de la Jessica du film Roger Rabbit. Celui-ci a donné naissance à un être virtuel qui est apparu quelques fois sur l'antenne de Canal Plus. En 1995, Alain Le Diberder, le directeur des Nouveaux Programmes, crée Cyberflash [Ndlr : ancienne émission quotidienne de Canal Plus, aujourd'hui reprise sur le site web de la chaîne] ; pour présenter ce programme, il souhaite un animateur qui puisse aussi bien parler de multimédia, d'Internet ou de jeux vidéo. Ainsi naît la "fée des micros, des consoles et des réseaux". Alain Le Diberder fait en effet modifier l'apparence physique du personnage de Valdu, lui donne une identité propre et le baptise Cléo : la nouvelle présentatrice serait la réincarnation de la reine Cléopâtre... Une mutation du personnage s'effectue progressivement depuis 1995 : au tout début, Cléo n'est qu'un buste, puis elle a des jambes, enfin d'autres modifications sont apportées, pour élargir la grille d'expression de son visage ou lui donner plus de fluidité dans ses mouvements. De 1995 à 1997, Cléo présente environ 350 numéros de Cyberflash. Depuis septembre 1997, elle anime C+ Cléo, une émission destinée aux plus de quinze ans.

Alain Le Diberder,
directeur des
Nouveaux Programmes
et "père" de Cléo
© Xavier Lahache

En traitant de l'animation, des jeux vidéo et de la bande dessinée, C+ Cléo se présente comme une émission ambitieuse...
Chaque semaine, C+ Cléo propose en effet quatre séries animées - actuellement, Evangelion, La Guerre des planètes, Rex the Runt et Daria - et différentes rubriques. La première concerne les jeux vidéo. Nous faisons des choix parmi les dernières sorties et nous les testons. Si un jeu est mauvais, nous ne le présentons pas ; si nous estimons qu'il faut quand même le montrer, alors nous n'hésitons pas à exercer une véritable critique. Nous disposons d'une totale indépendance par rapport aux éditeurs. Plus tard dans l'émission, deux dessinateurs sont les invités de Cléo et réalisent un dessin de leur choix sur plexiglas. Nous en profitons pour présenter leur dernière BD. Nous essayons le plus possible de coller à l'actualité, par exemple en invitant à l'occasion du Festival d'Angoulême des dessinateurs primés. Puis viennent les infos sur l'animation, avec un tour d'horizon de ce que les chaînes étrangères diffusent. Les téléspectateurs de C+ Cléo peuvent ainsi découvrir une série qui passera plus tard en France - sur Canal Plus ou sur d'autres chaînes. Les sujets traitent aussi de l'actualité cinématographique, par exemple la sortie en salles de 1001 pattes ou de Kirikou et la Sorcière. L'émission marie finalement deux savoir-faire : d'un côté, celui des Nouveaux Programmes, avec Cléo et les jeux vidéo, de l'autre, celui de l'équipe de la Jeunesse, avec les séries animées, les infos sur l'animation et les dessinateurs de BD.

Comment s'organise le tournage de C+ Cléo ?
Chaque mois, nous réalisons quatre émissions sur deux semaines. La production commence par la rédaction des scripts. L'enregistrement de la voix de Cléo a lieu un jeudi. J'y assiste en tant qu'auteur aux côtés du réalisateur. Celui-ci donne les indications à la comédienne - Luna Sentz - qui prête sa voix à Cléo : "Ce texte est très informatif, je préférerais que tu me le dises de façon assez neutre. Pour la suite, au contraire, j'aimerais que tu sois enjouée." Le lendemain, le vendredi, nous réalisons chez Medialab - une société de production spécialisée dans l'animation en temps réel - le tournage de l'émission avec deux marionnettistes, chargés d'animer Cléo en fonction de la voix pré-enregistrée. En une journée, nous produisons environ seize minutes de plateau, ce qui est énorme ; il y a encore deux ans, nous ne tournions que dix minutes en huit heures ! Isabelle Landié, comédienne-marionnettiste, endosse une combinaison équipée de capteurs qui lui permet d'animer le corps de Cléo. C'est une véritable performance physique et artistique : il ne suffit pas de bouger ses bras et ses jambes pour faire naître le personnage ! Il faut une attention totale, extrême. Le travail de Christophe Albertini, le deuxième marionnettiste, s'avère tout aussi essentiel : seul, il donne ses expressions au visage de Cléo - manifestations de joie, de tristesse, de surprise - en animant notamment les yeux et la bouche. Grâce à la "capture magnétique de mouvement", Cléo est animée en temps réel. Les capteurs - de petites bobines électriques -, reliés à un ordinateur, permettent de visualiser instantanément l'image de Cléo. Si nous utilisions la technique concurrente de "capture optique de mouvement", nous n'obtiendrions qu'un squelette du personnage, qu'il faudrait ensuite habiller en post-production ; nous évitons donc une tâche supplémentaire. C'est grâce à l'animation en temps réel que nous avons pu faire du direct avec Cléo. Dernière étape après le tournage : la post-production - le montage et le mixage - qui s'effectue à Canal Plus pendant trois jours. Au total, l'émission mobilise plus d'une vingtaine de personnes.

Cléo est une vraie "star" du petit écran, maintenant...
Le passage de Cléo dans Nulle part ailleurs, en direct du forum Imagina, était une véritable première il y a deux ans pour un personnage animé en temps réel. Cléo avait cependant de l'expérience : outre Cyberflash, elle avait déjà présenté C'est pas le 20 heures ! pendant une semaine, en alternance avec les autres animatrices vedettes de Canal Plus. Ceci lui avait d'ailleurs permis de se balader en Tunisie, à Haïti, en Inde... Elle a aussi été invitée chez Les Guignols de l'info et a présenté ses vœux de fin d'année aux côtés des autres animateurs. Mais surtout, Cléo est aujourd'hui devenue une figure emblématique de la chaîne. Elle a une très bonne image auprès de nos abonnés. Nos projets pour elle ne s'arrêtent pas là : Alain Le Diberder, son "père", rêve d'un cédérom ou d'une BD ; pour ma part, j'aimerais qu'elle diversifie ses activités et qu'elle obtienne un autre espace d'expression, pourquoi pas une rubrique dans Nulle part ailleurs. Quoi qu'il en soit, elle devrait prochainement apparaître dans Le Cinéma de Jamel. Un moment que j'attends avec impatience !

Propos recueillis par Pierre-Ludovic Viollat
© Le Petit Bouquet / mars 1999