Conclusion

En 1958 et 1959, Koestler se rend en Inde puis au Japon. Il espère trouver en Orient un remède aux maux de l’Occident. A son retour, il déclare finalement qu’il est plutôt revenu appauvri qu’enrichi de son voyage. Dans son livre Le Lotus et le Robot paru en 1961, il s’attaque à la mystique hindoue et au zen japonais. En 1962, le gouvernement indien interdit l’importation du livre, justifiant son geste en disant qu’il contient des propos choquants sur Gandhi.

En 1959 paraît Les Somnambules. Koestler montre dans ce livre l’évolution des conceptions de l’univers, depuis Babylone jusqu’à la Renaissance ; il écrit également les biographies de Copernic, Kepler, Galilée et Newton. Koestler résume aussi les principaux obstacles qui ont entravé les progrès de la science pendant de nombreux siècles.

En mai 1964 est publié Le Cri d’Archimède. Le livre est une théorie de la création artistique et de la découverte scientifique, science et art formant selon l'auteur une unité. Suite à cette parution, Koestler est invité à des symposiums de psychologie, de biologie et de neurophysiologie. Il séjourne par ailleurs six mois en 1965 au Centre d’études supérieures des sciences du comportement de l’université de Stanford, en Californie ; cinquante personnes y sont réunies dans des débats et des recherches interdisciplinaires.

Arthur Koestler épouse aussi en 1965 à New York celle qu’il avait engagée comme secrétaire, Cynthia Jefferies, qui restera sa femme – la troisième – jusqu’à leur mort en 1983.

Pendant l’été 1968, Koestler réunit à Alpbach, un village du Tyrol autrichien, quinze grands noms de la connaissance contemporaine. Le thème de la rencontre est le suivant : "Au-delà du réductionnisme : nouvelles perspectives dans les sciences de la vie". Les différents spécialistes en épistémologie, psychiatrie, psychologie, biologie, neurophysiologie, génétique, zoologie et éthologie sont invités dans leur propre discipline à transgresser les réductionnismes scientifiques. Après la réunion, Koestler met en forme les entretiens et en tire un livre collectif.

Koestler montre donc une grande capacité d’adaptation aux différents secteurs de la connaissance. Il est ainsi l’un des présidents du 14e symposium Nobel à Stockholm en 1969, au cours duquel il lit un texte intitulé La Pulsion vers l’autodestruction, qui commence de la manière suivante : "Depuis l’aube de la conscience jusqu’au milieu de notre siècle, l’homme a dû vivre dans la perspective de sa mort en tant qu’individu ; depuis qu’elle a libéré les puissances du noyau atomique, l’humanité doit vivre dans la perspective de sa mort en tant qu’espèce. C’est une perspective radicalement nouvelle ; mais bien que cette nouveauté doive s’effacer, la perspective, elle, ne s’effacera pas ; elle est devenue un trait fondamental et permanent de la condition humaine(54)". D’après Arthur Koestler, l’homme court vers l’autodestruction, avec cette bombe atomique qu’on ne peut désinventer. Koestler est hanté par la perspective d’un suicide collectif de l’humanité.

En 1971, avec L’Etreinte du crapaud, Koestler se penche sur la destinée tragique du docteur et biologiste Paul Kammerer. C'est une sorte de roman policier scientifique défendant les résultats controversés des expériences de ce savant qui s’était suicidé. Le livre déclenche un débat dans la communauté scientifique. En 1972, avec Les Racines du hasard, Koestler s’introduit dans le domaine de la parapsychologie. Il s’intéresse à la perception extrasensorielle et à certaines expériences de télépathie. Par ailleurs, il s’élève contre ceux qui donnent une mauvaise image, non-scientifique, de la parapsychologie : il ne croit pas aux dialogues avec les morts et autres histoires de médiums.

Koestler, après avoir été déçu par les idéologies, va émettre des critiques à l’égard du monde scientifique. En 1972, avec Les Call-girls, il écrit une satire des congrès et colloques scientifiques. Dans ce roman, des savants sont réunis pour tenter, à la veille d’une troisième guerre mondiale imminente, de trouver in extremis une solution aux maux de l’humanité. Le lecteur assiste en fait à un véritable dialogue de sourds entre les savants. Les call-girls sont pour Koestler ces grands scientifiques qui sillonnent le monde de congrès en colloques, de symposiums en séminaires, répondant toujours à l’appel pour aller affronter leur pensée à d’autres. Ils ne vendent pas leur corps comme les call-girls, mais il est bien possible, d’après l’auteur, qu’ils vendent leur esprit. Koestler profite également de ce roman pour faire le point sur la plupart des connaissances et des théories du moment touchant au comportement humain. Koestler précise que "les personnages de ce conte sont imaginaires" mais que "les auteurs, les publications et les expériences qu’ils citent sont réels(55)".

Arthur Koestler continue à sortir régulièrement des livres, mais en 1977, il apprend qu’il est atteint de la maladie de Parkinson. Vient s’y ajouter en 1980 une leucémie lymphoïde. La même année, Koestler écrit une préface pour une brochure d’Exit, un mouvement militant pour le droit à la mort volontaire, dont il devient le vice-président en 1981.

Le 1er mars 1983, Arthur Koestler et sa femme Cynthia – qui a seulement 55 ans et est en parfaite santé – se suicident ensemble, dans leur maison de Montpelier Square à Londres, en absorbant une dose massive de barbituriques. Leurs corps sont découverts le surlendemain. Le 20 juin, le testament de Koestler est rendu public. Il lègue plus de 400 000 livres pour "encourager l’étude des phénomènes psychiques(56)". La somme servira à créer une chaire de parapsychologie à l’université d’Edimbourg.

 

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